Le DILEMME DE LA FIN DE VIE ;
……….MALHEUREUSEMENT LA VIE DOIT
S’ARRETER.
Dr KOUAME KOUAKOU*
Deux contributions parues sous
forme d’articles dans le QUOTIDIEN FRATERNITE MATIN. ; « FOUTUS
MEDECINS» ET « L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES EN FIN DE VIE » ; laissent
entrevoir la volonté d’avoir une chose et son contraire. En effet le premier
article accusait les médecins d’avoir annoncé à un patient son pronostic fatal ;
tandis que le second reprochait aux mêmes praticiens, la rétention de
l’annonce d’une telle évolution de la
maladie aux malades et à son entourage. Accusés d’être des « accélérateurs de décès » dans un
cas, et « des violeurs de droits du
patient » dans l’autre ; il nous est apparu nécessaire de réagir.
Des voix plus autorisées auraient dues le faire ; cependant il nous est
indispensable de faire l’œuvre qui peut aider à la connaissance d’une telle problématique.
La MORT fait partie intégrante de
la médecine, et partant de la science. La THANATOLOGIE (science qui étudie la
mort) nous a hantée lorsque nous étions étudiants pour nous poursuivre
maintenant que nous sommes médecin réanimateur. Les services des soins
intensifs et de réanimations sont connus pour être des lieux de fortes
mortalités, à telle enseigne que les plus rusés n’en créent pas dans leurs structures
sanitaires. Une des questions essentielles de notre profession est de donner de
la dignité à l’homme ; même lorsqu’il est mourant. Cette idée est
l’essence même de la création des hôpitaux. Cette science ne nous a pas permis
d’accepter et de préparer à la mort. C’est certain puisque les uns ne veulent
pas qu’on annonce au patient l’issu fatal de sa maladie, tandis que les autres,
disent qu’au regard du droit, le patient doit connaitre son pronostic vital, une fois aux mains des
médecins.
Comment dépassionner, ce
débat ; d’autant que les premiers qualifient les médecins de « foutus » et les seconds de
« prédateurs de droits » et donc au final, les
médecins apparaissent comme « des usurpateurs
de bonne conscience ». Qu’est-ce qu’un médecin ? Cette
question a été traitée ici sous forme
dubitative et il me semble qu’une réponse appropriée doit être donnée. La médecine est une profession libérale et
elle est exercée sous conditions. Notamment être diplômé (avoir la connaissance
et la compétence) et être inscrit à l’ORDRE DES MEDECINS (pour justifier sa
bonne moralité et garder sa liberté professionnelle). Ces conditions
cumulatives autorisent l’exercice de la profession médicale en Côte
d’Ivoire. Le médecin, cependant ne peut
pas tout faire et c’est « sa conscience » qui doit le limiter. Pour
fixer ses limites ; la loi va définir clairement ses RESPONSABILITES,
comme pour tous citoyens. Donc quelles vont être les responsabilités de tout
citoyen vis-à-vis de la MORT et partant de la MALADIE ; et plus de la
SANTE ? Sans faux fuyant ; notre mort ; notre maladie et notre
santé sont-ils de notre
responsabilité ?
Vues sous l’angle des
responsabilités, ces différentes notions donnent plus de visibilité à chaque
partie. Jean ETTE écrivait que
« le risque santé est très mal perçu en Côte d’Ivoire » ; et
cette mauvaise perception est visible à travers par exemple un discours sur la
CMU qui tend à dire qu’on va se soigner avec 1000FCFA par personne en lieu et
place de 1000FCFA PAR MOIS ET PAR PERSONNE DANS LA FAMILLE. Et pourtant le
mérite de la CMU est de ramener la question de la santé au centre de notre
préoccupation et c’est une bonne chose. Que dire de la maladie ? Ne nous
trompons pas, il n’existe pas chez nous de loi sur la santé qui dit
« clairement » que lorsque vous êtes « malades », vous
devez vous faire soigner par « un médecin ». Donc libre à vous
d’avoir votre parcours de soins, qui peut passer chez le guérisseur ; le
prêtre-pasteur ; le marabout et même votre cousin ou votre voisin, chez
qui vous pouvez avoir une prescription. A contrario, aucun texte de loi ne dit
que ce sont les « médecins » uniquement qui sont habilités à effectuer des prises en
charges en cas de maladies. Alors d’où vient que la responsabilité du médecin
est en jeu, lorsque le malade vient à mourir?
Il est frappant que dans ces moments, l’on oublie que le
patient a vécu, il a une histoire, il a un environnement, il a un mode de vie
et surtout qu’il avait ses déterminants propres et qu’il lui revenait de les
gérer aux mieux. La rencontre entre le médecin et le patient se fait dans un
cadre qui est toujours règlementé pour le médecin. De cette rencontre naissent
des responsabilités (obligations) dont le plus important est le SECRET MEDICAL.
Et dans l’absolu, le secret médical, n’est pas opposable au patient. Mais dans
les faits il appartient aux médecins de gérer cette question avec tact et
doigté (ILS DOIVENT S’ADAPTER). En
tout état de cause, au regard de la
loi ivoirienne toute violation de tout secret « professionnel »est
puni (code pénal article 388). Certes, notre société s’occidentalise et quand survient la mort, les ressentiments sont
forts, mais pour terminer je citerais le Professeur
PORTES, mais aussi en hommage à notre maitre à tous ; le Professeur BOHOUSSOU KOUADIO ; qui
nous l’a rapportée ; « Il n’y-a pas de médecin sans confiance,
pas de confiance sans confidences et pas de confidences sans secrets ». Et
donc pour le bien de la MEDECINE, LE SECRET MEDICAL en CI sera maintenu envers
et contre tous et parfois le patient lui-même.
Le dilemme des questions de fins
de vie, se pose avec acuité en OCCIDENT et souvent, il, est demandé à la
justice d’intervenir. Mais ici, il va être fait appel, le plus souvent aux
dispositions légales et réglementaires pour se déterminer. Dans les mêmes
dilemmes il est recommandé au médecin d’échanger avec d’autres confrères et de
prendre une décision collégiale. Loin d’être uniquement une question de texte
de loi, la mort est surtout une question de santé à mon sens et donc devrait
faire appel aux outils de gestion de cette matière. Les sciences de la santé
nous aideraient à faire le choix du juste milieu entre les responsabilités qui
sont les nôtres et celles du patient mourant. L’éthique médicale dans tout son
sens recommande de « tout faire pour le bien du malade » et donc il
revient au médecin d’endosser la responsabilité la gestion d’une fin de vie à
visage humain pour son « client »
Médecin anesthésiste réanimateur
Spécialiste
en Gestion des Programmes de SANTE